Argent, synonymes et variantes
Note préliminaire: L'argent, la monnaie, objet de convoitise de toute éternité pour tous les voleurs du monde, a donné lieu à une terminologie des plus riches en argot classique et en français familier. Presque tous les désignants sont restés en usage occasionnel ;
les deux mots vedettes, le fric et le pognon, sont entrés dans la langue ordinaire de tous les Français.
le fric Le plus courant des termes alternatifs, employé par tout le monde. Il appartient pourtant au registre familier pour des raisons purement culturelles. Gagner du fric, faire du fric sont des locutions usuelles : Moi, j'ai pas assez de fric pour acheter une Mercedes !
Dérivé: ftiqué - Un type friqué est « plein de fric », riche : Si t'as un copain friqué, tu peux toujours le taxer de 100 balles.
Origine: Fin 19e siècle. Par abrègement de fricot.
le pognon : Vedette en second des termes d'argent, pognon est ressenti comme plus familier que fric - il porterait même une
coloration vulgaire, donc plus agressive que fric. Le pognon garde quelque chose d'un tout petit peu méprisable, sans doute, et la
phrase « Moi, j'ai pas assez de pognon pour acheter une Mercedes » est plus brutale que la même avec le mot fric. Ce sont là des nuances subtiles que seul un usage prolongé permet de saisir.
Ce gros dégueulasse il est plein de pognon, tu crois qu'il te filerait 10 francs ?...
Garde-le ton pognon ! Hé, peigne-cul !
J'ai perdu tout mon pognon dans une affaire d'import-export.
Remarque: On peut avoir les mêmes phrases avec fric, mais pognon leur rajoute de la rudesse. Cela est probablement dû au fait que le mot est plus « gros », plus sourd en bouche, que fric qui est une syllabe claquante et aérienne.
Origine: Milieu 19e siècle dans l'argot. Pognon, dans la vallée du Rhône, est un diminutif de pogne, l'appellation de la galette en pâte brisée (ou, dans d'autres régions, sorte de brioche ou pain brioché), qui fait les délices de tout un chacun. Il semble difficile d'écarter
cette origine, variante de galette à une époque où celleci est devenue un désignant de l'argent.
le blé Toujours très usuel et à peine familier. S'emploie surtout au sens général de « richesses », de « fortune » :
Les Lareine-Leroy c'est une famille qui a toujours eu beaucoup de blé.
Tu crois qu'il se fait beaucoup de blé dans son commerce... Ça m'étonnerait.
Origine: Image déjà courante au 16e siècle. De bled à cause de la couleur jaune qui est celle de l'or. J.-J. Rousseau emploie la métaphore dans une lettre.
la thune (ou tune) Ce mot est employé constamment dans les jeunes générations actuelles pour dire fric, pognon ou blé, alors
qu'il était presque sorti de l'usage des argotiers il y a vingt-cinq ans.
Vincent ? T'as de la thune pour acheter des croissants ?
Lui, son père, il lui donne plein de thune.
Origine: En 1628 (argot réformé) et en 1725 en argot de Cartouche, la thune signifie « l'aumône ». De là au 19e
siècle il désigne la pièce de 5 francs - au pluriel : « Tu as des thunes ? » Les jeunes ont adopté la thune ou des thunes au
cours des années 1970-80.
des ronds Des « sous » en général. Encore très usuel.
Ah ! si j'avais des ronds, je m'achèterais un appartement.
Il a fait faillite, il a plus un rond.
Origine: Attesté dès le 15e siècle, pour sou, sol, le vingtième de la livre, et plus tard la pièce de 5 centimes - parce que le sou, rond de forme, était de très loin la pièce la plus usuelle et la seule connue des pauvres.
pèze L'argent. Le terme est doté aujourd'hui d'une coloration très familière ou argotique. Très usuel dans la première moitié du 20e
siècle, son emploi a régressé à mesure que le fric prenait de l'extension. Par plaisanterie et parodie d'argot (films des années 1930) :
Mon album est en panne faute de pèze.(Jehan Rictus, Lettres à Annie, 1923)
Aboule ton pèze ! (allez, paye ! - dans un café, par exemple)
Origine: Début 19e siècle ; obscure.
le flous (ou flouze) L'argent, en terme familier amusant : Il ne pense qu'à gagner du flous.
Origine: Pendant la guerre de 14-18. De l'arabe el flouss, « l'argent », diffusé parmi les combattants.
des pezètes De l'argent. Toujours au pluriel. Daniel, il avait des pezètes, il pouvait s'offrir un voyage au Canada !
Origine: Années 1920; mal élucidée. « Nous voyons dans le mot un diminutif de pèze, "pois", et également "argent" », dit J. Cellard. Le
rapprochement avec les pesetas, monnaie espagnole, a pu favoriser ce diminutif, mais surtout l'assonance avec les pépètes, plus ancien.
un radis Seulement dans l'expression plus un radis, « absolument sans le sou ». À un quémandeur : Désolé ! Je n'ai plus un radis.
l'oseille L'argent en général, mais plutôt avec l'idée réjouissante d'une grande quantité. Le mot semble être resté en usage à cause de l'image amusante des feuilles d'oseille figurant des billets de banque. Pour une forte somme on dira un paquet d'oseille :
Une fois Jean-Marc a gagné au loto, il a touché un sacré paquet d'oseille.
Origine: 1876. Le mot était en usage courant dès le début du 20e siècle dans la langue familière (et non dans l'argot). Hector France commente : «Argent : il fond dans la main comme l'oseille dans la casserole » (1907). La métaphore est probablement due à une suffixation burlesque de -os (voir ci-dessous « En complément »).
la galette L'argent, la fortune. Devenu rare avec l'extension de fric et de son propre « rejeton » pognon. Vrai, j'aimerais un peu moins de gloire et un peu plus de galette. (Jehan Rictus, Lettres à Annie, 1922)
Ce sont des gens qui ont hérité d'une très grosse galette à la mort de leur oncle.
Origine: Dès le milieu du 19e siècle. La galette (faite de blé) est une bonne chose qui « aliment».
des picaillons De l'argent. Le mot n'est plus très fréquent et plutôt humoristique. Le vieux, il avait mis à gauche pas mal de
picaillons.
Origine: Fin 18e siècle. D'une monnaie savoyarde.des pépètes De l'argent. Terme humoristique, peu fréquent de nos jours.
Ils en avaient gagné des pépètes avec le marché noir !
Origine: Milieu 19e siècle; mal établie.
de la ferraille De la menue monnaie en pièces diverses :
Si ça vous ennuie pas, je vous donne toute ma ferraille, ça me troue les poches !
Origine: Après 1950. Les petites pièces n'ont guère de valeur.