Enceinte
- en cloque
Expression familière usuelle pour « enceinte ». Une chanson de Renaud qui porte ce titre a notablement familiarisé ce mot dans les années 1980 alors qu'il était encore jugé très vulgaire dans les années 1960.
Georges ne pourra pas venir avec nous, sa femme est en cloque.
Origine : Fin 19e siècle. On attribue la métaphore à l'image charmante de la « cloque », la « bosse » que fait le ventre de la femme enceinte, mais il n'est pas sûr, étant donné la date d'apparition et la vulgarité ancienne de l'expression, que l'origine soit aussi innocente. Vers 1900, une cloque est un «pet», et un «pet à vingt ongles» est... un nouveau-né !
En complément : L'expression imagée avoir un polichinelle dans le tiroir semble toujours être de quelque usage, malgré sa verdeur.
Enfant
Note préliminaire : Les termes désignant les enfants sont nombreux, tous anciens, mais ils ne traduisent pas forcément un sentiment affectueux à l'égard de la progéniture. Certains, nettement péjoratifs, sont le reflet de l'hostilité des milieux populaires urbains à l'enfance qui alourdissait leur misère au 19e siècle et jusqu'aux années 1940.
- un gosse
Un enfant en général, sans précision de genre ; le terme est affectivement neutre et très usuel :
Ils sont mariés depuis dix ans mais ils n 'ont pas encore de gosses.
On voit plein de gosses dans les rues.
Il s'applique à soi : Quand j'étais gosse...
Remarque : Au féminin, une gosse désigne une jeune fille : «Josette c'est une belle gosse.» Dans les années 1920, le mot désignait même une maîtresse : «Gaby c'est ma gosse.» Cet emploi est aujourd'hui désuet. Le mot est à éviter au Québec pour parler des enfants car il a une signification obscène (testicules).
Origine : Début 19e siècle. Étymologie incertaine-Peut- être du provençal gosso apparenté au languedocien gous, « mâtin », selon J. Picoche.
- un gamin (avec un féminin : une gamine)
Un enfant en général dans le même emploi que gosse- cependant, le terme est plus usuel que gosse en milieu rural.
Va chercher les gamins. Ils sortent à 4 heures.
Ces gens-là, ils ont une bande de gamins.
Ce mot insiste sur l'aspect joueur des enfants :
C'est un jeu de gamin.
Elle est encore gamine pour son âge.
S'applique à soi :
Quand j'étais gamin (gamine)...
Remarque : Une expression naguère très courante dans le langage populaire est encore connue: T'occupe pas du chapeau de la gamine ! c'est-à-dire : « Ne te fais pas de soucis pour rien, ne cherche pas la petite bête. Fais ce que tu as à faire sans discuter.»
Origine : Milieu 19e siècle au sens actuel. Le mot, au 18e siècle, désignait « les petits déguenillés qui courent les rues de Paris » (H. France). Etymologie obscure.
- un môme
Un enfant. Même usage et même fréquence que les précédents, mais avec une coloration un peu plus argotique ou familière appuyée - cela est sensible si l'on remplace gosse et gamin par môme dans tous les exemples ci-dessus. S'applique aussi à soi :
Quand j'étais môme...
Remarque : Au féminin, une môme peut s'entendre d'une adolescente ou d'une jeune fille dans un contexte amoureux ou érotique - «une jolie môme». C'est une résonance de l'ancienne valeur argotique de «maitresse» sensible jusqu'aux années 1950. Cf. en 1905 . « C'est ma môme, cette gironde, et ce qu'elle est bath au pieu !» (H. France).
Dérivé : un mômignard
Sorte de diminutif péjoratif parfois employé par plaisanterie :
Alors les mômignards, vous vous amusez bien ?
Origine : Début 19e siècle; obscure.
- un mouflet (avec un féminin : une mouflette)
Un enfant jeune, plutôt avant 6 ou 7 ans dans l'usage courant. Le mot comporte une nuance affectueuse :
Quand on a des mouflets on ne fait pas ce qu'on veut.
C'est beau à voir tous ces petits mouflets dans le parc.
T'as vu la jolie mouflette avec ses petites couettes ?
(ce qui suppose une fillette de 3 à 5 ans à peu près)
Le mot peut, à la rigueur, s'appliquer à soi: Quand j'étais mouflet...
Origine : Milieu 19e siècle. H. France dit en 1907 : « Enfant, jeune sot.» Étymologie obscure, peut-être en rapport avec un verbe dialectal moufler, «flairer, fourrer son nez partout, espionner» (H. France).
- un morpion
Un enfant plutôt agité et agaçant: Quand l'instituteur amène tous les morpions à la bibliothèque on ne s'entend plus!
Y avait une bande de morpions qui jouaient au foot dans la cour.
S'emploie aussi au féminin (une morpionne) :
Y a deux morpionnes qui font lu quête pour l'école.
Origine : Milieu 19e siècle. Par métaphore des « morpions » qui sont les «poux de pubis» dont il est difficile de se défaire.
- un loupiot
Un petit enfant, avec une nuance affectueuse :
Ça vu mon loupiot ? Tu t'es amusé à l'école ?
Le féminin est rare à cause de la rencontre avec loupiote, «lampe».
Origine : Fin 19e siècle. On peut y voir un diminutif «petit loup», mais H. France donne avec assurance : «De pou, déformé par le largonji», augmenté du suffixe -iot, ce qui paraît plausible - les enfants étaient le plus souvent pouilleux - par analogie et sous l'influence de morpion, également «pou».
- un moutard
Un enfant en bas âge, plutôt un nourrisson. S'emploie toujours en mauvaise part :
Quand une femme a trois ou quatre moutards elle n'a pas le temps de s'occuper d'elle.
Un moutard, ça gueule tout le temps !
Origine : Début 19e siècle; étymologie obscure. Le lien que fait Littré avec la rue Mouffetard à Paris ne paraît pas probant. Vu la date d'apparition, 1827 chez G. Esnault, je proposerais plutôt la vieille locution : les enfants vont à la moutarde, c'est-à-dire se moquent, organisent des farces, lancent des lazzis, en un mot se rendent haïssables. La mention du féminin à la même époque {«moutarde, petite fille, populaire Paris 1834», G. Esnault) appuie cette proposition.
- un lardon
Un jeune enfant, plus particulièrement un nourrisson, un bébé, de manière péjorative : Je veux bien me marier, mais je veux pas être emmerdé par des lardons.
Origine : Fin 19e siècle. Métaphore sur la chair dodue grassouillette des nourrissons, et peut- être aussi l'aspect «suintant» des lardons en cuisine. Usage du mot en 1900 : « La pauvresse était entourée d'une demi-douzaine de lardons plus sales et plus dépenaillés les uns que les autres » (in H. France).
- gniard (ou gnard)
Un enfant, en mauvaise part:
Qu'est-ce qu'ils ont à chialer tous ces gniards ? Je vais leur foutre des torgnoles, comme ça ils sauront pourquoi ils pleurent!
Remarque : L'expression un drôle de gniard, un individu louche, ou particulièrement astucieux, plaisant, était courante chez les combattants de 14-18.
Origine : Début 20e siècle. G. Esnault y voit l'aphérèse de mômignard (ou de mignard), mais peut-être y a-t-il un croisement avec « niaulard, enfant pleurnicheur, patois de l'Isère » (H. France). L'Isère est le pays des Savoyards qui ont peuplé Paris aux 18e et 19e siècles.
- un flo
Un enfant, au Québec. Familier usuel.
Origine : Contraction de l'anglais fellow.
En complément : D'autres dénominatifs, plus grossiers, sont parfois employés : un chiard, pour un bébé, ainsi que petit salé qui évoque un morceau de viande gluant sorti de la saumure. Une tendance actuelle chez les jeunes est de dire un nain pour un enfant. (Il est intéressant de noter que dans le même temps le mot nain est remplacé officiellement, dans le discours « politiquement correct », par la périphrase personne de très petite taille. Ce qui n'est pas sans ironie.)