Le train de 16 h. 58
La mère Léontine descendit au chef-lieu. Elle marchait du pas de ceux qui savent où ils vont. Quelques instant plus tard, elle entra à la buvette, s’assit sur la banquette à deux pas de la porte. Son paquet sur les genoux, elle fixait la grosse horloge dont les aiguilles rampaient sur le mur de porcelaine.
Les garçons passaient et repassaient devant elle, prenaient les commandes, aucun d’entre eux ne lui adressa la parole. Les serveurs connaissaient bien cette dame qui venait s’asseoir chaque jour à la même place; ils savaient qu’elle ne prenait jamais rien. Elle attendait.
Et quand les aiguilles marquaient cinq heures trente, ell baissait la tête, ses épaules s’affaissaient. Un voile de tristesse descendait sur ses traits. Elle se levait, paraissant plus voûtée encore, quittait la buvette et se perdait dans la foule des voyageurs.
Il en était ainsi chaque jour depuis trois ans.
La mére Léontine avait recueilli son petit-fils à la mort de ses parents, elle avait travaillé dur pour l’élever, l’avait veillé lorsqu’il était malade, avait ri et tremblé tour à tour. Monsieur le curé lui trouvait un don certain pour la musique, la mère Léontine avait travaillé plus dur encore pour qu’il puisse entrer au conservatoire. En somme une histoire banale.
Un matin, Jean-Pierre avait dit à sa grand-mère:
- J’ai réussi à trouver un extra pour ce soir, des copins m’ont demandé de me joindre à eux pour une soirée. Des marchands organisent un souper en l’honneur de leur doyen, ils ont besoin d’un orchestre. Voudrais-tu m’apporter on habit? Tu prendras le train de 16 h. 58 qui fait 17 h. 5 au chef-lieu. Tu m’attendras à la buvette de la gare près de la porte d’entrée. Si je ne suis pas là à 17 h. 30, tu reviendras.
Jean-Pierre baissa la tête.
- C’est qu’il y aura peut-être contre-ordre...
Et la mère Léontine avait fait ce que lui avait demandé son petit-fils. Elle était venue, avait attendu Jean-Pierre en vain. Le pays était en guerre et le jeune homme avait été arrêté avec ses amis pour “activités subversives”.
Pour la vieille dame, la vie s’était arrêtée de couler à partir de ce jour-là. Depuis trois ans, elle faisait chaque jour la même route.
Deuxième été de paix. Honoré, le facteur, pédale dur sur son vélo. Son visage est couvert de sueur. Il a dégrafé son col. Arc-bouté sur sa vieille machine, il avance comme dans un mauvais rêve. Mais une force étrange l’anime.... Il je laisse tomber sur une chaise. Le chef de gare et lui sont de vieux copains, ils ont été à l’école ensemble.
Une nouvelle... fantastique! Le facteur tente de reprendre son souffle. La mère Léontine a reçu une lettre du ministère... son petit-fils est revenu. Il sera au chef-lieu vers les cinq heures. La vieille veut aller à sa rencontre. J’ai beau lui expliquer que le train ne s’arrête plus, elle n’a pas semblé comprendre...
Le chef de gare ne répondit pas. Il resta un moment sans rien dire, absorbé. Puis les traits de son visage se crispurent, il avait pris une décision.
- Tu ne peux pas faire ça! Tu risques ta place.
- Je sais. Mais il le faut.
A 16 h. 58, le train ralentit et s’arrêta de Merles-Saint Jean, en dépit des horaires et des règlements. La mère Léontine monta dans un compartiment. Le mécanicien échangea un regard complice avec le chef de gare. Lui aussi risquait gros.
17 h. 14. La mère Léontine caressa de la main le paquet qu’elle tenait sur les genoux. Soudain, la porte de la buvette s’ouvrit. Elle se leva. Un grand jeune homme se tenait devan elle, vêtu d’un costume trop large pour lui. Il tendit les bras.
- J’ai apporté ton habit, dit la mère Léontine.
- buvette / буфет, стойка
- ramper ползти
- s’affaisser опускаться, слабеть
- voûté, e сгорбленный, сутулый
- don m дар
- trouver un extra зд. найти дополнительный заработок
- en vain напрасно
- activités subversives подрывная деятельность
- arc-bouté sur склонившись над рулем
- sa vieille machine старого велосипеда
- avoir beau (+ infîn.) напрасно стараться
- absorbé задумчивый
- se crisper морщиться
- en défit de вопреки, несмотря
- regard complice m понимающий взгляд
Répondez aux questions suivantes.
- Comment s’appelle l’héroïne principale de ce récit?
- Pouvez-vous donner son portait.
- Conment était la vie de Léontine avant la guerre?
- Qu'est-ce que Jean-Pierre lui a demandé un jour?
- Quand et pourquoi la vie s’est-elle arrêtée de couler pour la vieille dame?
- Quelle nouvelle le facteur a-t-il apporté un jour à son ami, chef de gare?
- Qu'est-ce que le chef de gare a fait pour la vieille femme?
- Comment était la rencontre de Léontine avec son petit-fils?
- Faites un bref résumé du texte.