Exercices de compréhension écrite, delf B1
Le chèque qui doit faire pleuvoir des bébés
Après le tourbillon surréaliste des 32 heures; voici venir les hérauts du « salaire parental », "salaire maternel » et autres allocations de libre choix ». « La France n’a plus d’enfants, la France se meurt, la France a mal à son avenir », déclame la très shakespearienne Colette Codaccioni dans son rapport sur la famille. La députée RPR propose la création d’une allocation parentale de libre choix de 2 900 ( 446 euros) francs par mois, accessible dès la naissance du premier enfant.
Un projet que Jacques Chirac envisage d’appliquer à Paris.
Plus radical, le texte du député Pierre Pascallon (RPR) préconise un « salaire maternel » de 4 700 francs (723 euros) par mois réservé aux couples mariés dont la femme ne travaille pas.
L’objectif affiché est d’enrayer la chute de la natalité (40 000 naissances en moins en 1993 par rapport à l’an passé). Avec une idée simple : pour endiguer la décomposition de la structure familiale, désignée comme responsable de la baisse de la natalité, il faut favoriser le retour temporaire au foyer de l’un des deux parents.
Ainsi, Fleury-Michon envisage de proposer à 200 femmes smicardes un retour temporaire à la maison assorti d’un « salaire maternel » de 2 781 francs (427 euros), qui permettra, espère le groupe vendéen, d’embaucher autant de jeunes. Un acte manqué qui traduit à merveille l’ambiguïté de ce nouveau gadget politique qui accrédite l’idée selon laquelle il n’y aurait pas 3,3 millions de chômeurs en France si une part significative des 11 millions de femmes actives revenaient à la maison.
Ce discours, aussi mécaniste que celui sur les 32 heures, oublie que le taux d’activité des femmes est, aujourd’hui, à peine plus élevé qu’en... 1900. Soucieuse de répondre à la demande en main- d’œuvre des entreprises, la France cherche alors à rendre ses femmes disponibles. Il résulte de cette politique un réseau de garde de la petite enfance unique au monde. Et une tradition indéfectible : « Toutes les statistiques montrent que la progression de l’activité des femmes est insensible à la montée du chômage », explique Mariette Sineau, chargée de recherche au CNRS. Un constat qui bat en brèche la fameuse théorie de l’« armée de réserve » selon laquelle les femmes n’entreraient sur le marché du travail que lorsque l’appareil productif en a besoin.
On peut, par ailleurs, douter de l’attractivité de la mesure. En principe destiné à concilier vie familiale et vie professionnelle, le salaire parental n’aura guère de chance d’être utilisé s’il n’offre pas deux garanties : la compensation des points de retraite perdus pendant les périodes passées à la maison, et la certitude du retour à l’emploi. Les femmes, qui ont souvent une activité discontinue, touchent déjà des retraites inférieures d’un tiers en moyenne à celles des hommes. Or ce sont elles qui vivent le plus longtemps. Autre évolution : la progression vertigineuse des foyers monoparentaux : 1 610 000 aujourd’hui, dont 380 000 femmes. Sans compter le fait que 600 000 femmes de plus de 50 ans vivent seules. Femmes âgées, mères de famille isolées, la société française retrouve là les deux viviers actuels de la grande pauvreté. Quant au retour à l’emploi, il passe par une contractualisation aléatoire avec l’entreprise. En admettant que ces garanties soient généralisées, le coût de la mesure, qui varie de 25 à 100 milliards de francs, reste un obstacle de taille, à l’heure où les déficits sociaux se creusent de façon abyssale. L’expérience montre enfin que le versement de prestations familiales généreuses ne suffit pas à relancer la fécondité. L’ex-Allemagne de l’Ouest, qui a mené une politique nataliste de choc, n’a jamais réussi à faire décoller sa courbe des naissances. Et la Grande-Bretagne, qui n’a pas le moindre embryon de politique familiale, a un taux de fécondité honorable. Le désir d’enfant ne se commande pas par décret.
Alors pourquoi Colette Codaccioni, qui invoque une meilleure conciliation vie familiale-vie professionnelle, ne commence-t-elle pas par rééquilibrer les tâches éducatives entre hommes et femmes ? D’après l’enquête de l’Insee, Emploi du temps, un père de deux enfants consacre les deux tiers de sa journée à son travail, contre 48 % pour une mère. Et, curieusement, plus le nombre de ses enfants augmente, moins il en fait.
Anne Tézenas du Montcel Le Nouvel Économiste, n° 925.
Comprendre oui ou non
- D'après la proposition de la députée RPR Colette Codaccioni, le projet d'une allocation parentale devrait s'appliquer à partir du deuxième enfant.
- L'objectif premier des mesures d'allocation parentale ou de salaire maternel est de lutter contre la chute de la natalité.
- La société Fleury-Michon pense pouvoir embaucher 200 jeunes si autant de femmes retournent temporairement à la maison.
- Au vingtième siècle, l'activité professionnelle des femmes a considérablement progressé, mais elle était très étroitement liée aux cycles chômage-plein emploi.
- Les garanties pour la retraite et la certitude du retour à l'emploi sont deux conditions essentielles pour les femmes.
- Pour la majorité des femmes actives, le travail n'est pas une question de choix personnel, mais de nécessité.
- A travail égal, les femmes et les hommes touchent les mêmes retraites
- Le nombre de foyers monoparentaux s'élève à 2 600 000.
- Ce n'est pas en raison d'une politique familiale efficace que la Grande- Bretagne connaît un taux de fécondité honorable.
- Plus le nombre d'enfants augmente, moins le père consacre de temps à la vie familiale.
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Toutes les informations ci-dessous sont; justes. Mais certaines sont plus importantes que d'autres. Cochez les 6 phrases que vous sélectionneriez pour votre résume.
- La France n'a plus d'enfants, la France se meurt, la France a mal à son avenir.
- Le montant de l'allocation parentale sera de 2 900 francs.
- L'idée qui sous-tend ces différents projets est d'enrayer la dénatalité par le retour des femmes au foyer et la restructuration de la cellule familiale.
- La société Fleury-Michon incite ses employées mères de famille à retourner au foyer.
- Aucune statistique ne prouve qu' il y ait un lien entre le travail des femmes et le chômage.
- Ce débat sur le salaire parental est complexe et révèle d'autres carences du statut des femmes dans le monde du travail.
- L'évolution de la situation des femmes : plus grande longévité, activité discontinue, foyer monoparental, isolement, doit être prise en considération.
- Le coût de la création d'une allocation parentale est prohibitif.
- Les exemples de nos voisins européens montrent bien que le rapport entre politique familiale et fécondité n'est pas direct.
- Le vrai débat serait avant tout celui sur le partage des tâches ménagères et familiales entre l'homme et la femme.